À la fin du XIXe s., la photographie bouleverse de manière radicale l’enseignement de l’histoire de l’art, de l’archéologie et de la géen permettant l’observation rapprochée de l’objet, ainsi que sa comparaison avec d’autres œuvres. L’étude textuelle de l’art s’accompagne désormais d’une étude visuelle de l’art. Déjà bien connue dans les universités allemandes à partir des années 1880 grâce à la mise au point du skioptikon ou lanterne magique, la projection de positifs monochromes sur support en verre joua un rôle essentiel dans ce nouveau contexte. Recouvert d’une émulsion sensible à la lumière et découpé en plaques de dimensions variables, le verre est utilisé comme support de photographie dès 1850. Support fragile, il est malgré tout privilégié depuis l’invention du procédé gélatino-argentique en 1878. Cette technique, qui allie une sensibilité accrue à la lumière par rapport aux précédentes plaques au collodion et une simplicité d’utilisation et de conservation, permet alors leur diffusion en grand nombre. À partir des années 1870-1880 de grandes sociétés, telles Braun ou Lumière, diffusent ainsi largement d’importantes séries photographiques. Le support fut largement utilisé dans les universités et dans les grands services photographiques de l’État jusque dans les années 1960-70, avant d’être totalement remplacé par les diapositives et, aujourd’hui, par l’image numérique.
À Paris, dès leur création en Sorbonne, les titulaires successifs des chaires d’archéologie et d’histoire de l’art œuvrent à la constitution d’un vaste fonds photographique destiné à l’enseignement et à la recherche. Si Henry Lemonnier rappelle qu’en Sorbonne on « considérait encore un peu les projections comme un amusement » , les enseignants veillent à ce que le déménagement vers le tout nouvel Institut d’art et d’archéologie s’accompagne de l’achat de nouveaux dispositifs de projection : dès 1929, Henri Focillon passe ainsi commande à la firme allemande Leitz de Wetzlar (aujourd’hui Leica) de trois épidiascopes, quatre dispositifs de projection, un appareil d’agrandissement et deux appareils photographiques. On commande aussi des stores « absolument opaques » pour assombrir les salles lors des projections. Enfin, l’Institut d’art et d’archéologie est équipée d’un laboratoire photographique. Le fonds photographique, dont la constitution avait été initiée en Sorbonne, s’enrichit alors continuellement ; il se compose bientôt de plusieurs milliers de plaques de verres, de plusieurs centaines de tirages anciens, auxquels s’ajouteront à partir de 1955 des milliers de diapositives.
De ce fonds considérable, l’Institut d’art et d’archéologie conserve encore une belle collection, dont une partie a cependant été transférée à l'Institut national d'histoire de l'art à la faveur du déménagement de la Bibliothèque Doucet sur le site Richelieu en 1992. D’un point de vue pratique, le fonds de l'Institut d'art et d'archéologie relève de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Sorbonne Université (ex-Paris IV Sorbonne), qui se partagent le bâtiment depuis un demi-siècle. Ce fonds contient quelque 70 535 documents photographiques (plaques de projection en verre et tirages papier), dont environ 56 500 plaques en verre.
Ce n’est pas moins de 40 000 plaques qui sont aujourd’hui conservées rue Michelet, toutes classées à l’intérieur de tiroirs d’anciennes armoires en bois. Plusieurs meubles « pour clichés de projection » en chêne ciré de 32, 48 et 120 tiroirs avaient en effet été fournis en 1931 par les Établissements Alfred Régy, auxquels s’ajouta un an plus tard un « meuble à clichés » de la société Riffet, Muller et Fiévé. Comme le montre un inventaire récent, les plaques y étaient indexées avec une étiquette autocollante sur le cadre de fixage et classées méthodiquement à l’intérieur de tiroirs thématiques (manuscrits, villes de France, artistes, pays, art romain, architecture, peintres, sculpteurs, etc.). Dans l’ensemble, toutes les périodes de l’art sont concernées, de la préhistoire à l’art contemporain – « jusqu’en 1932 », précise une catégorie. Seul le lot relatif à l’art grec antique est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque de l’INHA.
Outre une politique d’acquisition, la constitution et l’enrichissement de cette collection photographique résultent surtout d’une intense production interne grâce au laboratoire photographique de la Sorbonne puis de l’Institut d’art et d’archéologie, comme en attestent les registres de production des plaques de verres et diapositives, récemment numérisés par la Bibliothèque de l’INHA. Ces registres comprennent par ailleurs une indication des plus intéressantes. Outre des tirages photographiques et des plaques de projection concernant l’art et l’archéologie, ils mentionnent également une série de clichés de géographie. Avant le déménagement de ces départements naguère hébergés en Sorbonne, à la suite de la construction à peu près simultanée de l’Institut d’art et d’archéologie et de l’Institut de géographie, ces clichés formaient en réalité un ensemble unique destiné aux « Sciences auxiliaires de l’Histoire », comme l’indique le titre du registre d’entrée commun des ouvrages de diverses bibliothèques en Sorbonne (Salle des arts, Géographie, Cabinet de paléographie, etc.). Cette collection de géographie fut constituée à l’initiative d’Emmanuel de Martonne, élève et gendre de Vidal de la Blache, géographe spécialiste de l’Europe centrale nommé en Sorbonne en 1909.
Alors que des plaques de verre continuent à être produites pour les enseignements dispensés à l’Institut d’art et d’archéologie au moins jusqu’en 1959, et sans doute un peu au-delà, un nouveau format fait son apparition. La diapositive au format 5 x 5 cm contenant une image au format 24 × 36, rendue possible depuis l’avènement du film Kodachrome en 1936, se répand dans l’enseignement universitaire à partir des années 1950. Un registre spécifique y est bientôt consacré à l’Institut d’art et d’archéologie. Il s’ouvre en 1955 avec le don de 541 diapositives de l’Ambassade de France en Allemagne. Les deux registres préservés témoignent ensuite d’une production croissante. Outre des achats réguliers (notamment à l’étranger), la production de ces images s’est poursuivie en interne jusqu’à l’arrêt du laboratoire photographique de l’Institut d’art et d’archéologie au début des années 2000, quand le numérique supplanta définitivement l’argentique. Aujourd’hui, ce sont donc aussi plusieurs dizaines de milliers de diapositives qui sont stockées dans des armoires métalliques, sorte de cabinets de curiosités contemporains. Ce fonds de diapositives se trouve aujourd’hui à un moment charnière de son histoire, qui verra à plus ou moins brève échéance – selon l’intérêt des uns et des autres, la place disponible, les éventuels travaux de restructuration du bâtiment, etc. – sa patrimonialisation ou sa disparition.